Esquive Divine

Contrepoint dans les cordes pour une esthète romantique ~ le blog non officiel de Juliette ARMANET ~ l'essentiel de son actualité à travers les médias.

2017 vue par Juliette Armanet : “We Are the Blues”

Publié par ElixuP sur 20 Décembre 2017, 18:21pm

Catégories : #Instantané, #Presse

Figure marquante de la nouvelle chanson française, la chanteuse évoque la tristesse diffuse qui l'a envahie à la mort de Johnny.

« L’autre jour, dans la radio, il y avait toutes ces voix mouillées qui parlaient de Johnny.
Le sphinx du rock était parti, et chacun tentait d’en dire quelque chose, d’en retenir quelque chose.

Et puis, soudain, j’entends Bono.
Le type de mon adolescence, celui des âges lointains, des With or Without You enflammés, embués, qui prend la parole.
Il se met à raconter cette chanson, celle qu'il a donnée à Johnny, il y a quelque temps déjà.
Une chanson intitulée I am the Blues.

Tout doucement, il commence à lire les paroles, et derrière lui, en tapis, le traducteur, simultanément, transmet les mots ; ces mots du lointain, aux auditeurs français.
Les deux voix se chevauchent, se répondent, et récitent à contretemps, dans un ping-pong bilingue et bizarre, ce poème maladroit...

I am the blues...
Je suis le blues, je suis aussi bleu que la Côte d'Azur, même si je ne suis pas aussi pur...
Je suis le blues, j'ai un million de dollars et le cœur brisé...
Personne n'est aussi âgé que mes tatouages...

Je suis le blues, je parle doucement, je parle lentement...
Je me suis levé pour danser, j'ai perdu l'équilibre...
Je suis le blues, je suis bleu...
Je ne sais plus de quelle couleur sont mes yeux...

Étrangement, allez savoir, ces deux voix-là, entrelacées l'une dans l'autre, émues de se répondre, de se traduire, émues de rendre hommage au demi-dieu français, à la voix de cuir, ont créé un moment de radio proche de l'Eldorado ; un instant de sublime, à la fois naïf et profond, à la fois fragile et fatal.
Un vrai moment musical.

Il n'y avait pas de guitares, il n'y avait pas de Harley, il y avait juste ce petit texte, et ces deux continents, reliés pour quelques secondes à peine de brouhaha bien orchestré.

C'était le blues, dans la radio, le blues des ondes, dans nos oreilles ; celui de toute une génération, pas vraiment la mienne, pas vraiment celle des autres non plus.
Un truc un peu diffus.
Celui d'une fin d'année où tout nous revient d'un coup dans les veines, le bon, le mauvais, le réussi, le raté, le vivant, le mort, le faux et le vrai.

Ce goût de barbecue un peu sucré, ce goût immortel, ce plaisir sans cesse renouvelé de célébrer la fin d'un règne, d'une année, de moments inoubliables bientôt oubliés.

Ça chantait ça. Ce truc-là.
Un We Are the Blues, trempé de larmes et de chocolat.
Voilà.
Bonne année ».

© 19/12/2017 - Tous droits réservés
Source :
Les Inrockuptibles
Auteur : Laurent MALET
Photo : © Philippe JARRIGEON pour Les Inrockuptibles

2017 vue par Juliette Armanet : “We Are the Blues”
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